Comment l'insuline a été découverte pour soigner le diabète

Avant la découverte de ce traitement,

les jeunes patients atteints de diabète de type 1 ne survivaient pas à la maladie...

Anissa Boumediene

  

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Avant la découverte de l'insuline en 1921, aucun traitement n'existait pour soigner le diabète. — JAUBERT/SIPA

Avant la découverte de l'insuline en 1921, aucun traitement n'existait pour soigner le diabète. — JAUBERT/SIPA

Les patients qui en souffraient ne survivaient que quelques années avant de succomber à la maladie.

 
  • Jusqu’en 1921, lorsqu’un trio de chercheurs canadiens a découvert et extrait l’insuline, une hormone produite par le pancréas : le premier traitement contre le diabète a alors vu le jour.

Pendant les vacances de Noël, 20 Minutes revient sur les « premières fois » qui ont marqué l’Histoire de la médecine en partenariat avec Retronews, le site de presse de la Bibliothèque nationale de France. Aujourd’hui, retour sur la découverte de l’insuline, traitement de référence du diabète.

Il est connu depuis plus de 6.000 ans, pourtant, les millénaires se sont écoulés sans qu’aucun traitement efficace ne permette de vivre avec le diabète. Jusqu’au début du XXe siècle, les enfants atteints de diabète de type 1 étaient ainsi tous promis à un sort funeste. C’est en 1921 que le cours de l’histoire a changé, avec la découverte de l’insuline, le médicament de référence encore près d’un siècle plus tard.

Une longue histoire du diabète

Le diabète a pourtant fait parler de lui très tôt. De vieux textes chinois datant de 4.000 ans avant notre ère parlent déjà d’un mal désigné par « l’urine sucrée ». Puis, 2.500 ans plus tard, sous le règne d’Aménotep 1er en Egypte, le Papyrus Ebers, l’un des plus anciens traités médicaux à avoir été découvert, fait lui aussi mention d’un mal qui, comme le diabète, provoque soif intense, envie fréquente d’uriner et amaigrissement. C’est d’ailleurs de ces constatations que vient le terme de « diabète », qui signifie passer au travers en latin, comme si eau et nourriture passaient au travers du corps des diabétiques sans les nourrir.

Mais les siècles passent et la compréhension du diabète n’évolue pas. Longtemps, l’ersatz de traitement prescrit consiste en une diète d’une rare sévérité. « Avant la découverte de l’insuline, les jeunes patients étaient soumis à un régime extrêmement strict et tous devenaient cadavériques et finissaient par mourir », décrit le Pr Eric Renard, coordinateur du département d’endocrinologie, diabète, nutrition au CHU de Montpellier.

Le tournant s’opère dans la deuxième moitié du XIXe siècle, en 1890, lorsque le scientifique allemand Oskar Minkowski fait une découverte fondamentale dans la recherche sur le diabète. Il retire le pancréas d’un chien et observe que l’animal développe dans la foulée les symptômes du diabète. L’insuline n’est pas encore découverte, mais « Minkowski a démontré que le diabète apparaissait chez les sujets dont on avait retiré le pancréas, l’organe qui produit la sécrétion directement liée à l’apparition de la maladie », explique le Pr Renard.

La découverte de l’insuline et son extraction

Dès lors, « les chercheurs ont travaillé à "remettre du pancréas" chez les diabétiques pour contrer le processus, expose le médecin. C’est le très polémique Nicolae Paulescu qui est le premier à avoir découvert l’insuline, qu’il nomme alors "pancréine", et à avoir réussi son extraction ». Mais l’histoire retiendra surtout les travaux d’un trio de chercheurs canadiens, qui mettent au point le tout premier traitement contre le diabète. Cet été-là, Frederick Grant Banting et Charles Best, sous la houlette de John Macleod, découvrent que des cellules du pancréas, les îlots de Langerhans, identifiés pour la première fois en 1869, produisent une hormone qu’il est possible d’extraire et d’utiliser pour soigner le diabète. Cette hormone, les chercheurs décident de la nommer « insuline », un petit clin d’œil aux fameux îlots de Lagerhans, puisqu’en latin, îlot se dit insula.

A l’époque, l’insuline est extraite du pancréas de porcs ou de bœufs. Et si aujourd’hui, des années d’études cliniques sont nécessaires avant qu’un médicament ne soit testé sur l’homme, à l’époque, la nécessité précipite le premier test humain. Ainsi, au début de l’année 1922, alors que le jeune Leonard Thompson, un enfant de 14 ans atteint de diabète de type 1, plonge dans le coma et est promis à une mort certaine, les médecins canadiens lui injectent l’insuline qu’ils ont mise au point. « L’enfant était d’une maigreur extrême et son cas était sans espoir, raconte le Pr Renard, c’est ce traitement testé pour la toute première fois qui a permis sa survie ».

Mais la solution n’affiche pas une grande pureté et le jeune Leonard développe une infection. Avec l’aide d’un compatriote, le biochimiste James Collip, le trio de chercheur parvient à isoler une insuline purifiée : Leonard Thompson est sauvé et l’insulinothérapie est née. « Quelques mois plus tard, la presse publiait des photos de ce garçon les joues plus remplies. Dans l’histoire de la médecine, c’est l’un des rares traitements mis à disposition des patients si peu de temps après sa découverte, commente Eric Renard. Pourtant, à l’époque, les chercheurs disposaient de moyens très rudimentaire pour mener leurs travaux, loin de toutes les technologies auxquelles nous avons recours aujourd’hui ». Une découverte qui vaudra à Banting et Macleod le prix Nobel de physiologie et de médecine en 1923.

De l’insulinothérapie de survie à un traitement optimal

« Mais les premiers traitements étaient approximatifs, les médecins ne pouvaient même pas mesurer la glycémie des patients, souligne le Pr Renard., Les patients bénéficiaient d’un traitement de survie, mais n’étaient pas à l’abri des complications liées au diabète ». D’ailleurs, jusque dans les années 1970, « la prise en charge thérapeutique de patients diabétiques était assez moyenâgeuse : les solutions d’insuline, extraites de pancréas de bœuf et de porc, étaient très souvent impures, et les seringues n’étaient pas encore à usage unique, sans parler de la taille des aiguilles », détaille le médecin.

Ce n’est qu’au début des années 1990 qu’une grande étude américaine a permis d’opérer une révolution dans les traitements du diabète, « en mettant au jour le fait qu’administrer de l’insuline aux patients diabétiques ne suffisait pas, il fallait aussi ramener leur glycémie à la norme : on est alors passé de l’insulinothérapie de survie à un traitement optimal, voué à apporter la quantité d’insuline la plus juste, expose le Pr Renard. Les chercheurs se sont attachés ces cent dernières années à reproduire ce que fait la nature quand elle fonctionne normalement : délivrer de l’insuline en fonction des besoins du patient, en temps réels ».

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